Dan Simmons, Illium/Olympos







¤ Ilium / Olympos
Dan Simmons
Pocket Science-fiction
2007 – 2008

¤ 4e de couverture :

Ilium : Les dieux vivent sur Mars et se déplacent librement dans le temps et l’espace grâce à leurs pouvoirs quantiques. Leur plus grand plaisir, c’est la Guerre de Troie. Pour y mettre un peu plus de piment, ils envoient des érudits terriens modifier les événements à leur gré, en gardant toutefois le récit d’Homere comme référence. Mais en orbite autour de Mars, de petits observateurs surveillent les jeux divins…

Olympos : Ilium chantait les exploits de la guerre de Troie, surveillée par le scholiaste Thomas Hockenberry pour le compte des posthumains divinisés qui habitent sur Mars le mont Olympos. Depuis, les choses se sont corsées. Échappant au scénario d’Homère, Grecs et Troyens, Achille et Hector, se sont alliés pour vaincre les dieux et assiéger leur forteresse martienne. Ils profitent de la porte ouverte dans l’espace par les Moravecs, qui leur apportent un sérieux appui. Mais la porte commence à se refermer Sur Terre, les Voynix, qui ont longtemps été les serviteurs des Derniers Hommes, ont soudain entrepris de les massacrer. Les Derniers Hommes, élevés dans la soie, vont devoir apprendre à se battre. Ophu d’Io et Mahnmut sont envoyés sur Terre pour prévenir un cataclysme qui menace la planète depuis des millénaires, sous la forme d’un sous-marin doté de missiles à trous noirs. Harman retrouvera-t-il Ada après un périple qui lui fera traverser la moitié de la Terre sous la conduite d’un Prospero qui n’est peut-être que le fantôme d’une Intelligence Artificielle ?

¤ Avis : Il m’aura donc fallu moins d’un mois pour lire le tome 1 et ce tome 2 de la duologie de Dan Simmons. Clairement, c’est une lecture dense et exigeante. Se poser dans un pouf avec une couverture et un thé ? oui. Laisser son cerveau sur le côté ? non. Est-ce que j’ai adoré ? oui. Est-ce que j’ai tout compris ? Assurément non.


Je lis souvent que Ilium et Olympos sont des réécriture de l’Iliade et bien à la fin de ma lecture je peux vous le dire : je ne suis pas d’accord. Certes, Dan Simmons joue et reprend l’histoire homérique et, d’une certaine manière il y a une réflexion sur la réécriture, sur le texte et les actions, les processus derrière l’Iliade et certains concepts idéologiques/mentaux grecs – ce n’est pas pour rien que le personnage de Hockenberry est un scholiaste – mais non je ne mettrais pas Ilium – et encore moins Olympos – dans les réécritures antiques. Ou plutôt pas seulement, car c’est nettement plus fin et pointu que ça. En effet, le centre thématique n’est pas Homère mais bien l’Œuvre de Shakespeare et surtout « La tempête » et ses dérivés postérieurs, notamment un poème de Robert Browing « Caliban upon Setebos » puisque le développement de la trame narrative lié au contexte shakespearien se situe sur un tout autre plan que l’homérique. Autant je ne m’en sors pas trop mal avec les références antiques autant il faut que je clairement remette mon Shakespeare à jour (et je ne vous parle même pas de mon Proust vu que celui-ci n’a jamais été à jour). J’ai vraiment adoré tout ce jeu de sous-texte et de méta-texte. C’est vraiment stimulant et c’est le genre de littérature que j’aime lire, qui me met au défi. Toutefois, si ça me plait, je conçois aussi que cela puisse aussi gêner, voire rebuter certains.

Dans Ilium, le lecteur va suivre trois histoires en parallèle qui sont évidemment dépendantes les unes des autres. J’avoue qu’au départ c’est avec la partie vraiment SF que j’ai eu le plus de mal, celle des moravecs, dont l’un justement se passionne pour Shakespeare et l’autre pour Proust. En revanche, je trouvais mon confort dans l’histoire sur Terre et j’étais à la fois intriguée et m’amusais comme une folle par cette reprise de l’Iliade. Et puis l’histoire sur Terre a pris le dessus et s’est mise à me passionner en se complexifiant et devenant un vrai nœud, une aventure qui entraîne les personnages – et le lecteur – loin de leur zone de confort. Pour autant, je dois dire qu’aucun de ces terriens ne m’a attiré, Daeman est trop geignard, Harman trop monsieur je sais tout, Ada et Hannah ne sont pas des plus marquantes… Peu importe, je le répète souvent, mais bien parce que je le pense profondément : pourquoi le lecteur doit-il forcément aimer les personnages ? Ils sont. Un point c’est tout. Du moment qu’il y a cohérence avec le récit, moi ça me va et je suis à l’aise avec le fait de suivre les aventures de personnages pour lesquels je n’ai pas forcément d’attrait. Bref à un certain point des histoires, on commence à se rendre compte qu’elles fonctionnent ensemble et sont tellement intriquées les unes dans les autres que c’en est brillant. C’est parti comme un feu d’artifice dans ma tête et l’immense toile qu’à tissé Dan Simmons s’est mise en place. Une fois les (certaines ?) connexions révélées, l’histoire n’en a été que plus délectable et j’ai enchaîné les dernières 200/300 pages du premier tome à un rythme boulimique.

Le lecteur a sur les histoires la même position de voyeur que les terriens avec le Turin qui leur permet de suivre la Guerre de Troie : génial. Le lecteur navigue entre les genres de l’imaginaire SF, anticipation, antic/heroic fantasy: génial. La vision des dieux de l’Olympe est glaçante, mais criante de réalité sur ce que ces divinités pensent des hommes (et du coup pose pas mal de question sur la manière dont les grecs appréhendaient leurs relations avec le divin mais ça c’est un autre sujet).

Dans Olympos, le monde que trace Dan Simmons se révèle enfin et les connexions entre les diverses histoires finissent d’apparaitre. Clairement, il ne faut pas attendre trop longtemps entre les deux tomes et, si une petite pause légère peut-être la bienvenue, il vaut mieux les enchainer directement ou presque, afin d’être sûre d’avoir encore Ilium bien frais en tête tant les intrications sont complexes.

Sans surprise les trois arcs narratifs finissent par se mêler totalement en une fresque du genre humain assez époustouflante sur fond de mondes parallèles, trous de vers (ou pas de vers mais chuut et lisez), manipulations génétiques et autres joyeusetés de science-fiction. Ne vous attendez pas non plus à des retournements de situations extraordinaires, des cliffhangers palpitants ou des surprises dans tous les sens, ce n’est pas le thème. En revanche, une épopée du genre humain oui. Je ne veux pas trop vous en dire sur les détails narratifs car ce serait vous gâcher la lecture et la découverte, le lecteur accompagnant pleinement les personnages en ce sens, mais dans un sens Dan Simmons est un nouvel Homère, le Virgile d’un autre genre humain. Certaines questions restent bien sûr sans réponse et c’est aussi frustrant que génialissime en mon sens, car le lecteur ne sort pas de l’histoire une fois la dernière page tournée. L’histoire lui reste dans la tête et les schémas esquissés continuent de tourner et ainsi l’histoire, l’Histoire des personnages, aussi.

J’ai notamment apprécié ne pas avoir toutes les réponses sur les post-humains, sur les « dieux » et les titans grecs, Prospéro, Setebos, sur ce fameux Quiet. En revanche, je trouve que la fin est un peu bâclée, bouclée trop vite. Après tout, dans un bouquin de quelques 1800 pages, on est plus à une centaine près pour éviter certaines facilités narratives. Notamment ces différents passages de 5 mois plus tard, un an plus tard, un an et 7 mois plus tard etc. L’auteur a pris deux tomes énormes pour nous raconter un peu moins d’un an, ça aurait pu mériter un peu plus de développement sur la fin. Autre point, lié à la publication : les formats – surtout Olympos – sont très peu pratiques en poche. Ils sont lourds et tiennent mal ouverts, même en cassant la tranche. Il aurait peut-être mieux valu faire une double édition, comme pour les Cantos, en séparant chaque tome en 2.

En revanche, j’ai adoré le jeu sur la langue. Oui les Grecs sont vulgaires et grossiers, mais ce sont des soldats, pas des poètes ! Sur ce point Dan Simmons a su jouer très finement sur ses personnages en leur donnant un langage probable et logique quant à leur condition, sans pour autant exagérer. Et ça fait du bien dans un monde où je trouve que tout a tendance à être trop polissé de peur de choquer ou de mettre mal à l’aise. Le petit côté Hard-SF des explications physiques de pas mal de points sur le pourquoi du comment c’est possible est un poil trop Hard-SF pour moi je le crains, mais pas dérangeant. Je passais ces moments où je ne comprenais rien de rien avec un petit « chuuut c’est quantique » dans ma tête et hop ça roulait tout seul. D’autant que ce ne sont jamais des passages 100% théories scientifiques imbitables. Dan Simmons trouve toujours – ou presque – le moyen de faire comprendre plus simplement son point. Pourquoi donc s’embêter me direz-vous ? Mais probablement pour le jeu des genres vous répondrais-je. Ilium et Olympos – on ne peut pas vraiment séparer les deux tomes – jouent avec plusieurs sous-genres de la SF, de l’imaginaire, de la fiction en général. Encore un point que j’aime. L’auteur ne se met pas de limite, pas de barrière et ça donne une duologie complétement folle et brillante.

Au final,
c’était épique, c’était haletant et c’était complétement fou comme lecture. Mon cerveau partait dans tous les sens et j’ai adoré.
Voilà c’est dit,

o 0 O ° ° o . . ° O o . 0 ° o o .

📓 Et vous, l’avez-lu ? Qu’en avez-vous pensé ?

A bientôt pour une nouvelle lecture
🪶
Baci, baci
LGM

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